Le Kintsugi stratégique. L'art de réparer.

Le Kintsugi stratégique. L'art de réparer.

Gaëtan Namouric
Quand tout se craquelle autour de nous, quand les failles se multiplient, ou quand ce qui fonctionnait se brise... Il demeure un espoir, celui de la réparation. En Asie, c'est réparation est un art, le Kintsugi (金継ぎ). Et si on s'en inspirait?
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Gaëtan Namouric + MidJourney (5.2)

Les gestionnaires sont continuellement confrontés à des défis inédits. C'est dans ce contexte que le concept du Kintsugi stratégique — une invention de Perrier Jablonski — se révèle particulièrement intéressant. Inspiré de l'ancienne pratique japonaise du Kintsugi, qui consiste à réparer des objets en céramique brisés avec de l'or, ce concept propose une approche innovante de la gestion, centrée sur l'idée de réparation et de résilience.

Un art séculaire

Son histoire débuterait au Japon au XVe siècle. Selon la légende, le shogun Ashikaga Yoshimasa envoya son bol de thé chinois préféré en Chine pour réparation après qu'il fut brisé. Le bol lui fut retourné réparé avec des agrafes métalliques, une méthode courante à l'époque, mais visuellement peu attrayante.

Déçu par cette réparation, Yoshimasa chercha une solution plus esthétique. Des artisans japonais, inspirés par l'esthétique wabi-sabi qui trouve de la beauté dans l'imperfection, développèrent alors le Kintsugi. Cette méthode utilise de la laque saupoudrée de poudre d'or, d'argent ou de platine pour réparer les céramiques brisées. Le résultat est une pièce avec des veines métalliques scintillantes, mettant en valeur les cicatrices au lieu de les masquer, symbolisant ainsi la beauté de la résilience et de la renaissance.

Le Kintsugi est devenu une pratique artistique à part entière, s'étendant au-delà de la simple réparation pour devenir un art mettant en avant la transformation et la redécouverte. Il enseigne une leçon de vie : au lieu de cacher nos échecs ou nos imperfections, nous devrions les embrasser et les célébrer, reconnaissant qu'ils font partie intégrante de notre histoire et de notre caractère unique.

Mio Heki, artiste de Kintsugi et maître Urushi ©Kyoto Journal / Guide de voyage officiel de la ville de Kyoto

La philosophie sous-jacente

Le kintsugi est enraciné dans la philosophie japonaise du "wabi-sabi," qui valorise l'imperfection, l'impermanence et l'incomplétude. En mettant en avant les fissures et les éclats plutôt que de les dissimuler, le kintsugi témoigne d'une acceptation de la fragilité et de la fugacité des choses.

  • Acceptation de la réalité : le kintsugi part du postulat que la brisure est non seulement inévitable, mais aussi une partie intrinsèque de l'histoire de l'objet.
  • Valorisation de la faille : au lieu de masquer les défauts, on les met en avant, les transformant en un atout esthétique et symbolique.
  • Renaissance et résilience : l'objet réparé n'est pas seulement remis à neuf, il est transformé et renforcé, tant physiquement qu'esthétiquement.

Le processus de réparation se déroule toujours de la même manière.

  • Identification des brèches : les morceaux brisés sont assemblés pour évaluer l'étendue des dégâts.
  • Préparation de la laque : une résine naturelle est mélangée à de la poudre de métal précieux.
  • Application de la laque : les morceaux sont collés ensemble avec la laque, et toute fissure est soulignée par cette même matière.
  • Polissage : une fois la laque séchée, l'objet est poli pour un rendu lisse et brillant.

Et alors?

Si l'on s'inspire du Kintsugi, on peut suivre les étapes suivantes :

  1. Identification des brèches : cette étape équivaut à l'analyse des problèmes et des défis au sein de l'entreprise. Les managers doivent réunir toutes les "pièces" - c'est-à-dire les données, les feedbacks, les rapports d'incidents - pour évaluer l'étendue des problèmes. Cela peut impliquer d'identifier les failles dans les processus, les lacunes dans les compétences des employés, ou les faiblesses dans la stratégie d'entreprise.
  2. Préparation de la laque : cette étape représente la formulation de solutions. Tout comme la laque est mélangée avec de la poudre de métal précieux, les solutions en gestion doivent combiner des stratégies éprouvées avec des idées innovantes et précieuses. Cela peut signifier le développement de nouvelles procédures, la formation des employés, ou l'adoption de nouvelles technologies.
  3. Application de la laque : ici, les solutions sont mises en œuvre pour "coller" les morceaux brisés de l'organisation. L'accent est mis sur l'importance de souligner et de valoriser les failles plutôt que de les cacher. Cela peut se traduire par des initiatives de changement organisationnel qui non seulement réparent les problèmes, mais aussi mettent en évidence les leçons apprises et les améliorations apportées.
  4. Polissage : une fois les solutions appliquées, cette étape consiste à peaufiner et à optimiser les changements. Le polissage en gestion peut signifier le suivi continu des résultats, l'ajustement des stratégies au besoin et la communication des succès. Cela garantit que l'organisation ne se contente pas de réparer ses failles, mais qu'elle en ressort plus forte, plus résiliente et plus brillante.
Mio Heki, artiste de Kintsugi et maître Urushi ©Kyoto Journal / Guide de voyage officiel de la ville de Kyoto

Limitations

Attention cependant, le Kintsugi stratégique n'est pas une panacée, et certaines limitations s'imposent.

  1. Risque de glorification de l'échec : L'une des principales préoccupations est le risque de glorifier ou de rationaliser l'échec. Alors que le Kintsugi stratégique vise à valoriser les leçons tirées des erreurs, il est crucial de ne pas encourager une culture où l'échec est vu comme un objectif en soi.
  2. Difficulté d'application dans des environnements complexes : Les organisations modernes sont souvent complexes et dynamiques. L'application du Kintsugi stratégique peut se révéler difficile dans des environnements où les problèmes ne sont pas facilement identifiables ou où les solutions ne sont pas claires.
  3. Défis culturels : Cette approche nécessite une culture organisationnelle ouverte à l'apprentissage et à l'acceptation des erreurs. Dans des cultures d'entreprise où règne la peur de l'échec, l'adoption du Kintsugi stratégique peut s'avérer un défi majeur.
  4. Manque de ressources ou de soutien : La réparation et la transformation exigent des ressources - temps, argent, compétences. Les organisations avec des ressources limitées peuvent trouver difficile de mettre en œuvre efficacement cette stratégie.
  5. Mesure des résultats : Il peut être difficile de mesurer l'efficacité du Kintsugi stratégique. Les bénéfices tels que l'amélioration de la résilience et de la culture organisationnelle sont souvent intangibles et difficiles à quantifier.
  6. Équilibre entre réparation et innovation : Alors que le Kintsugi stratégique se concentre sur la réparation des failles existantes, il est essentiel de ne pas négliger l'importance de l'innovation proactive. Il y a un risque que les organisations se concentrent trop sur la réparation au détriment de l'exploration de nouvelles opportunités.
  7. Résistance au changement : Comme pour toute nouvelle initiative de gestion, il peut y avoir de la résistance au changement, surtout si les employés se sentent menacés ou s'ils ne comprennent pas la valeur de cette approche.

Voilà. Maintenant vous avez tout en main pour faire d'une fêlure une force.

Ce qu'il faut retenir

En adaptant les étapes du Kintsugi à la gestion, les entreprises peuvent embrasser leurs imperfections et leurs échecs, les transformant en opportunités de croissance et d'innovation. Ce processus, loin d'être une simple réparation, devient un acte de transformation stratégique, où les failles deviennent des sources de force et de beauté uniques.


Gaëtan est le fondateur de Perrier Jablonski. Créatif, codeur et stratège, il est aussi enseignant à HEC (marque-média), à l'École des Dirigeants et à l'École des Dirigeants des Premières Nations (pitch, argumentation). Certifié par le MIT en Design Thinking et en intelligence artificielle, il étudie l'histoire des sciences, la philosophie, la rhétorique et les processus créatifs. Il est l’auteur de deux essais et d’une centaine d’articles sur tous ces sujets.
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