Gestion du changement. Vous faites peur aux gens!

Gestion du changement. Vous faites peur aux gens!

Gaëtan Namouric
Chaque changement, même bien intentionné, fait peur. Pas parce qu’il est mauvais, mais parce qu’il bouscule l’équilibre. La nouveauté inquiète, l’inconnu déstabilise. Alors, comment apaiser ces résistances et transformer la peur en adhésion ? Le modèle des phases de préoccupations de Céline Bareil offre une carte pour comprendre et accompagner ces réactions. Suivez le guide!
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Gaëtan Namouric + MidJourney

Lorsqu’un changement est introduit dans une organisation, il provoque inévitablement des réactions. Ces dernières, souvent interprétées comme des résistances, sont en réalité des préoccupations légitimes. Céline Bareil a développé un modèle structurant pour comprendre ces dynamiques : les sept phases de préoccupations.

Madame Bareil est une figure influente dans le domaine de la gestion et du changement organisationnel. Professeure à HEC Montréal, elle se spécialise dans les dynamiques de transformation en milieu de travail, explorant comment les entreprises et leurs employés s'adaptent aux innovations et aux transitions majeures. Avec une approche axée sur les personnes, ses recherches touchent des thématiques telles que l'accompagnement au changement, les apprentissages organisationnels et le leadership dans des contextes complexes.

Ce modèle explique que les individus progressent dans un cheminement logique face au changement, allant de l’indifférence initiale à une pleine adhésion — pour peu que leurs préoccupations soient traitées adéquatement.

Cette théorie s’applique incroyablement bien au contexte d’un pitch, car ce dernier prépare toujours le terrain à un changement imminent. Lorsqu’on propose une nouvelle idée, un projet ou un produit, on confronte son audience à un futur différent, qui suscite des réactions similaires à celles observées lors d’un changement organisationnel. Un pitch efficace — comme une bonne gestion du changement — doit répondre à ces préoccupations avec clarté, empathie et vision. En adressant chaque phase, on ne vend pas seulement une idée, mais on construit une adhésion progressive et durable au changement qu’elle incarne.

Les sept phrases de préoccupation

  • Phase 1 : Aucune préoccupation. La personne n’est pas encore affectée ou se croit à l’abri du changement. À cette étape, la personne semble indifférente. Ce n’est pas qu’elle accepte le changement ; elle n’en perçoit simplement pas encore les implications pour elle-même ou son rôle. Parfois, elle pense être à l’abri : « Cela ne concerne pas mon département » ou « Je pars à la retraite dans six mois. » L’individu peut manquer d’information ou choisir de détourner son attention. Cette absence d’engagement initial peut aussi masquer une fatigue face aux multiples changements déjà vécus.
  • Phase 2 : Préoccupations personnelles. L’individu se concentre sur l’impact du changement sur lui-même. Les préoccupations deviennent personnelles. L’individu s’interroge sur l’impact du changement sur sa routine, sa sécurité ou sa place dans l’organisation. « Est-ce que ce changement va rendre mon poste obsolète ? » ou « Devrai-je passer plus de temps au bureau ? » Ces craintes reflètent une peur de l’inconnu et un instinct de protection. Toute nouveauté oblige à envisager une transformation personnelle, et ce n’est pas toujours confortable.
  • Phase 3 : Préoccupations organisationnelles. Les doutes se tournent vers la capacité de l’organisation à réussir. Une fois les préoccupations individuelles apaisées, les doutes se tournent vers la capacité de l’organisation à réussir. « L’entreprise a-t-elle les ressources nécessaires ? » ou « Cela semble beaucoup trop ambitieux. » Le scepticisme naît d’une expérience passée (changements mal gérés) ou d’une peur légitime face à une vision trop floue. L’individu questionne la légitimité et la faisabilité du projet.
  • Phase 4 : Préoccupations pratiques. L’accent est mis sur le « comment » du changement : processus, étapes, détails. L’attention se déplace sur les processus. L’individu accepte que le changement va se produire, mais veut en comprendre les détails : échéanciers, ressources, méthodologies. « Quels outils allons-nous utiliser ? » ou « Quelles seront les étapes ? » Un intérêt pour le « comment » signale une ouverture. Cependant, les ambiguïtés sur la mise en œuvre peuvent freiner cette adhésion naissante.
  • Phase 5 : Préoccupations sur les compétences. La personne s’interroge sur ses capacités à s’adapter. À ce stade, la personne doute de ses propres compétences : saura-t-elle évoluer avec les exigences du changement ? « Je n’ai pas les compétences nécessaires » ou « Je ne vais jamais réussir à utiliser ce nouvel outil. » Ces craintes sont profondément humaines : la peur de l’échec et de l’inadéquation. Un manque de formation ou de soutien accentue ce sentiment.
  • Phase 6 : Préoccupations collaboratives. L’individu craint que d’autres ne suivent pas. L’individu commence à envisager le collectif. Il veut que le changement fonctionne mais s’inquiète de l’engagement des autres : collègues, supérieurs, autres départements. « Si les autres ne suivent pas, pourquoi devrais-je faire des efforts ? » ou « Certaines équipes sont toujours réfractaires. » Le succès collectif repose sur la contribution de tous. Si des résistances persistent ailleurs, cela peut saboter les efforts individuels.
  • Phase 7 : Préoccupations sur la durabilité. Une adhésion complète, où la priorité devient l’amélioration continue. La dernière phase est marquée par un engagement total. L’individu a non seulement accepté le changement, mais souhaite le voir réussir sur le long terme. « Comment pouvons-nous améliorer ce processus ? » ou « Quels ajustements pouvons-nous faire pour maximiser l’impact ? » Une fois les craintes dissipées, la personne devient un champion du changement. Elle s’investit activement pour consolider et améliorer les initiatives.

Répondre aux préoccupations

Pour accompagner vos équipes dans le changement, il est essentiel de répondre aux préoccupations exprimées à chaque phase. Voici comment le faire efficacement.

  • Phase 1 : Déstabilisez et interpellez. Montrez pourquoi ce changement est incontournable. « Oui, cela pourrait sembler éloigné de vos préoccupations actuelles, mais voici pourquoi cela nous concerne tous. »
  • Phase 2 : Rassurez. Soyez transparent sur ce qui changera et ce qui ne changera pas. Répondez aux peurs personnelles avec empathie et informations concrètes.
  • Phase 3 : Clarifiez. Présentez la vision et les objectifs du changement, en montrant que l’organisation est prête et alignée.
  • Phase 4 : Incluez. Associez les équipes aux décisions pratiques : échéanciers, ressources, étapes. La collaboration renforce l’adhésion.
  • Phase 5 : Accompagnez. Proposez des formations, du soutien et du coaching. Assurez un suivi régulier pour réduire les insécurités.
  • Phase 6 : Mobilisez. Valorisez les efforts collectifs et partagez les réussites pour inspirer les hésitants.
  • Phase 7 : Valorisez et améliorez. Encouragez les suggestions et les retours pour ancrer le changement et en maximiser les bénéfices.

Un gestionnaire avisé se concentre non seulement sur les mots, mais aussi sur les actions. Chaque phase est une opportunité de bâtir la confiance et d’assurer un passage réussi vers l’étape suivante.

Un exemple concret : le retour au bureau

Pour illustrer, prenons un exemple "brûlant"... le cas du retour au bureau après une période prolongée de télétravail :

  • Phase 1 : Aucune préoccupation. Un employé dit : « Je travaille très bien à la maison, pourquoi changer ? » → Expliquez l’impact positif du retour sur la collaboration et la culture d’entreprise.
  • Phase 2 : Préoccupations personnelles. « Comment vais-je jongler avec mes horaires familiaux ? » → Rassurez en soulignant les mesures de flexibilité et les aménagements prévus
  • Phase 3 : Préoccupations organisationnelles. « L’entreprise est-elle prête à offrir un environnement sécuritaire ? » → Partagez des plans concrets, comme les protocoles sanitaires et l’amélioration des espaces.
  • Phase 4 : Préoccupations pratiques. « Quels jours devrons-nous être au bureau ? » → Organisez des sessions collaboratives pour définir les modalités ensemble.
  • Phase 5 : Préoccupations sur les compétences. « Je ne suis plus à l’aise pour animer des réunions en personne. » → Offrez des ateliers pour renforcer les compétences relationnelles et la communication.
  • Phase 6 : Préoccupations collaboratives. « Si certains restent à la maison, ce ne sera pas équitable. » → Impliquez des ambassadeurs pour harmoniser les pratiques et favoriser l’équité.
  • Phase 7 : Préoccupations sur la durabilité. « Comment s’assurer que ces changements tiennent dans le temps ? » → Sollicitez un feedback régulier et améliorez en continu pour bâtir une adhésion durable.

Ce qu'il faut retenir

Le modèle des phases de préoccupations est un outil puissant pour comprendre les résistances et les surmonter. Il rappelle qu’un changement n’est pas seulement une question de processus ou de stratégie : c’est avant tout une aventure humaine. Préparer des réponses adaptées à chaque phase vous permettra de rassurer, mobiliser et, finalement, transformer des sceptiques en ambassadeurs du changement.

Gaëtan est le fondateur de Perrier Jablonski. Créatif, codeur et stratège, il est aussi enseignant à HEC (marque-média), à l'École des Dirigeants et à l'École des Dirigeants des Premières Nations (pitch, argumentation). Certifié par le MIT en Design Thinking et en intelligence artificielle, il étudie l'histoire des sciences, la philosophie, la rhétorique et les processus créatifs. Il est l’auteur de deux essais et d’une centaine d’articles sur tous ces sujets.
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