
Rien ne mobilise autant qu'une crise! Que ce soit la COVID ou les surtaxes de Trump, ces électrochocs ont forcé les Québécois à repenser l’achat local, bien plus qu’aucune campagne n'aurait pu le faire. Mais attention, ces prise de consciences sont parfois temporaires.
Les tendances profondes.
Avant de commencer, il convient d'identifier des tendances profondes que les consommateurs ne sauraient identifier eux-mêmes — car il s'agit s'influences psychologiques. Or, ces freins et ces leviers profonds sont indispensables pour qui veut comprendre réellement le consommateur et ses comportement. Nous allons utiiliser deux modèles très populaires chez Perrier Jablonski : le modèle de Maslow (V2) et la théorie de B.J. Fogg sur le changement de comportement. Notre but : décoder les besoins latents des consommateurs. C'est parti!

Maslow : à quels besoins doit-on répondre?
Un consommateur ne change pas ses habitudes simplement parce qu’il sait que c’est "mieux". Il change lorsque cela répond à un besoin fondamental. Je me suis inspiré de la pyramide de Maslow révisée, voici une lecture des motivations qui influencent les choix alimentaires au Québec :
- Besoins de base (manger, survivre) — Se nourrir est le besoin le plus fondamental. Avant de penser à la provenance des aliments, le consommateur veut s’assurer d’avoir accès à une alimentation suffisante et abordable. Si un produit local est trop cher, mal distribué ou peu connu, il ne sera tout simplement pas envisagé. La facilité d’accès et la perception de la valeur sont donc les premiers obstacles ou accélérateurs à la consommation locale. Pour qu’un produit québécois s’impose, il doit d’abord rivaliser avec ses équivalents internationaux sur ces critères de base.
- Besoins de sécurité (budget, traçabilité, stabilité du pays) — Même si un consommateur valorise l’achat local, il doit pouvoir justifier son choix financièrement. Le prix est un élément déterminant : un produit québécois doit être perçu comme abordable ou offrir une valeur ajoutée qui compense son coût. Mais la sécurité alimentaire ne se limite pas au budget. La confiance et la traçabilité jouent un rôle clé : un produit doit être clair sur son origine et rassurer quant à sa qualité. Enfin, pour certains, acheter local est aussi une question de sécurité collective : c’est un moyen de soutenir l’économie d’ici, de préserver les emplois et d’assurer une certaine autonomie alimentaire face aux crises mondiales.
- Besoins d'appartenance (identité, traditions, partage) — L’alimentation est bien plus qu’un besoin biologique : elle est identitaire, culturelle et sociale. Acheter québécois devient un acte de fierté, un moyen d’affirmer son attachement au territoire. Cette dimension est particulièrement forte lors des repas familiaux et des événements festifs, où les produits locaux sont valorisés. Les traditions culinaires renforcent aussi cette dynamique : on cuisine les recettes de nos parents et grands-parents, en privilégiant des ingrédients québécois par réflexe. Enfin, la dimension sociale est essentielle : manger local devient un acte de partage et de connexion avec son entourage.
- Besoins d’estime (choix engagés, valorisation personnelle — Pour beaucoup, l’alimentation est un acte politique et écologique. Acheter québécois signifie réduire son empreinte carbone, encourager des pratiques agricoles durables et soutenir les petits producteurs. C’est aussi une manière de se positionner contre la surindustrialisation et les excès de la mondialisation. Mais ces motivations restent vulnérables : elles peuvent être facilement compromises si le prix est trop élevé ou si l’effort à fournir est trop grand. Un produit local qui mise uniquement sur l’engagement éthique sans offrir de commodité risque de rester un achat occasionnel plutôt qu’une habitude durable.
- Besoin d'apprendre et de comprendre (curiosité, découverte) — Certains consommateurs ne se contentent pas d’acheter : ils veulent comprendre l’histoire derrière un produit. Ils cherchent à savoir qui l’a fabriqué, comment, et pourquoi. Cette curiosité alimente des tendances comme l’hyperlocalisation, où l’origine du produit devient un argument de vente majeur. Plus un produit québécois peut raconter une histoire captivante, plus il suscite l’intérêt. Cette soif de découverte se manifeste aussi dans l’expérimentation : tester de nouveaux aliments, revisiter des recettes traditionnelles ou explorer des pratiques comme la fermentation. L’achat local gagne donc en traction lorsqu’il est associé à une expérience d’apprentissage et de découverte.
- Besoin d'esthétique (le plaisir des sens) — L’alimentation ne doit pas seulement répondre à des valeurs ou à des principes, elle doit aussi être plaisante et attirante. Un produit québécois doit non seulement être bon, mais aussi beau et bien présenté. L’emballage, le design et la mise en marché influencent grandement l’acte d’achat. Un produit bien positionné en magasin, dans un marché public ou dans un restaurant haut de gamme a plus de chances de séduire. De plus, le contexte de consommation joue un rôle clé : un aliment découvert dans un cadre agréable (un marché fermier, un festival gastronomique) crée une connexion émotionnelle plus forte que s’il est simplement posé sur une tablette d’épicerie.
- Besoins d’accomplissement (expérience, découverte, influence sociétale) — À ce stade, l’achat local dépasse l’individu pour devenir un projet collectif. Il ne s’agit plus seulement de préférer un produit québécois, mais de transformer les habitudes de consommation et les infrastructures économiques. Cela implique de repenser la distribution, de mieux intégrer les produits locaux dans les grandes surfaces et de rendre l’achat québécois aussi naturel que d’acheter un produit importé. Le marketing et l’éducation jouent ici un rôle essentiel : plus on parle de l’importance de l’achat local, plus il devient un réflexe. L’objectif ultime est d’ancrer cette dynamique dans les mœurs, pour qu’elle ne repose pas uniquement sur des périodes de crise ou des campagnes de sensibilisation.
Fogg : quel levier faut-il engager?
Si les Québécois affirment vouloir acheter local, pourquoi n’en font-ils pas toujours une habitude ? Le modèle de B.J. Fogg, spécialiste du changement comportemental, nous aide à comprendre pourquoi certaines tendances s’ancrent tandis que d’autres restent superficielles. Selon Fogg, trois éléments doivent être réunis en même temps pour qu’un comportement se modifie durablement :
- La motivation : pourquoi changer ? Le consommateur doit percevoir une valeur claire à l’achat local. Cette motivation peut être émotionnelle (Fierté de soutenir les producteurs d’ici), pratique (qualité supérieure, fraîcheur des produits), économique (Perception que cela protège l’emploi au Québec). Mais cette motivation seule ne suffit pas. Beaucoup de consommateurs soutiennent l’achat local en principe, mais ne changent pas leur comportement.
- La capacité : est-ce facile à faire? Même avec une forte motivation, si l’action est compliquée, le consommateur abandonnera. Trois éléments freinent souvent l’achat local. D'abord le prix : si un produit québécois est plus cher qu’un équivalent importé, l’habitude de prix bas l’emporte. Ensuite la disponibilité : si acheter local demande un effort supplémentaire (trouver un point de vente, commander en ligne), la friction ralentit l’adoption. Enfin les Habitudes bien ancrées : Aller toujours au même supermarché, acheter les mêmes marques sans réfléchir. Les marques qui réussissent à réduire l’effort augmentent leurs chances d’intégration dans les habitudes du consommateur.
- Le déclencheur : qu’est-ce qui pousse à agir maintenant? Même si un produit local est motivant et facile d’accès, il faut un élément déclencheur pour que le consommateur passe réellement à l’action. Les déclencheurs peuvent être de différentes natures. D'abord externes : les crises, le contexte social, les pénuries, ou encore les tensions économiques ont boosté l’achat local bien plus que n’importe quelle campagne marketing. Cela peut-être aussi des déclencheur personnels, comme une prise de conscience soudaine ou des événement de vie, comme la naissance d’un enfant, la recherche d’une alimentation plus saine. Enfin le marketing (promo, storytelling efficace), qui saura mettre en avant l’origine locale dans l’emballage, une offre spéciale sur un produit québécois.
- La clé? Réduire l’effort, augmenter les occasions! Dans le modèle de Fogg, on ne peut pas forcer la motivation d’un consommateur, mais on peut lui rendre l’achat plus simple et multiplier les opportunités d’action. Un produit local au même prix, placé au bon endroit, avec un déclencheur clair, a bien plus de chances d’être choisi qu’un produit qui repose uniquement sur le patriotisme alimentaire... Et c'est donc là que se joue l’avenir des tendances : non pas sur les discours, mais sur la capacité réelle du marché à transformer l’intention en automatisme.
Une mode passe, une tendance transforme.
Une mode, c’est un signal fort mais éphémère, un engouement collectif qui peut disparaître aussi vite qu’il est apparu. Une tendance, elle, s’inscrit dans la durée : elle commence souvent discrètement, mais finit par redéfinir une industrie entière. Entre les deux, il n’y a pas toujours de frontière claire. L’essor de la consommation locale, des protéines végétales ou des aliments fermentés – est-ce une transformation durable ou juste une phase passagère? Difficile à dire...
En attendant, grâce à nos mandats, nos recherches et nos conversations avec des clients, nous avons identifié 12 tendances qui façonnent aujourd’hui l’industrie agroalimentaire québécoise. Certaines deviendront peut-être des piliers du marché, d’autres risquent de s’étioler sous le poids des habitudes et des réalités économiques. Il n’y a pas d’ordre particulier dans cette liste : chacune représente une direction possible, une réponse aux attentes des consommateurs. Mais leur avenir dépendra de leur capacité à surmonter un défi majeur : transformer une intention d’achat en un réflexe quotidien.
1. L’hyperlocalisation : du "fait au Québec" au "fait par Léa et David"
Autrefois, un produit pouvait se contenter d’un label "fait au Québec" pour séduire. Aujourd’hui, le consommateur exige davantage de précisions : d’abord la région, puis la ville, puis la ferme, puis le producteur lui-même. Ce phénomène pousse à une ultra-segmentation du marché, où l’identité locale devient un gage de qualité et de confiance. À terme, on se dirige vers une consommation où l’origine exacte d’un produit sera aussi importante que son goût ou son prix.
2. L’alimentation à base de plantes : une transition de fond
Le végétal s’impose de plus en plus, non plus seulement pour des raisons de mode, mais parce qu’il répond à des préoccupations écologiques et sanitaires. Cela va bien au-delà des burgers à base de plantes : le Québec voit émerger une nouvelle génération d’aliments végétaux innovants, souvent issus de start-ups locales qui jouent sur la double carte du goût et de la durabilité.
3. Les protéines alternatives : insectes, chanvre et nouvelles sources
La recherche d’alternatives aux protéines animales s’accélère. Si le tofu et les légumineuses sont déjà bien implantés, d’autres sources comme le chanvre, les algues ou même les insectes commencent à gagner en popularité. Ces options, encore marginales, bénéficient d’un soutien scientifique et entrepreneurial qui pourrait rapidement les amener dans nos assiettes quotidiennes.
4. Les aliments fermentés : plus qu’un effet de mode
Kombucha, kimchi, kéfir : ces produits ne sont plus des curiosités exotiques, mais des incontournables des étagères d’épiceries. La fermentation s’impose non seulement pour ses bienfaits sur la santé intestinale, mais aussi pour sa capacité à prolonger la durée de vie des aliments de manière naturelle. On redécouvre ainsi des savoir-faire ancestraux adaptés aux réalités contemporaines.
5. Le commerce électronique alimentaire : de la niche à la norme
L’achat d’aliments en ligne s’est démocratisé à une vitesse fulgurante. Si les grandes surfaces ont tardé à s’adapter, des plateformes locales émergent et misent sur l’expérience utilisateur pour fidéliser une clientèle de plus en plus à l’aise avec les commandes en ligne. Ce canal devient essentiel pour les producteurs locaux, qui y voient une alternative directe aux grandes chaînes de distribution.
6. La réduction du gaspillage alimentaire : une nécessité
Les initiatives pour réduire le gaspillage se multiplient. Que ce soit par des applications de revente d’invendus ou par des emballages plus intelligents, l’industrie alimentaire québécoise cherche des solutions viables pour répondre aux attentes des consommateurs. On assiste aussi à un regain d’intérêt pour les conserves, les produits déshydratés et les techniques de revalorisation des surplus alimentaires.
7. Le bio : un passage obligé, mais plus suffisant
Le bio reste un critère important, mais il ne suffit plus à convaincre. Les consommateurs cherchent désormais des produits qui allient à la fois bio, local et éthique. La traçabilité devient clé : savoir d’où vient un produit, comment il a été cultivé et par qui. Les marques doivent donc redoubler d’efforts pour prouver leur engagement environnemental et social.
8. L’emballage écologique : entre contrainte et opportunité
Si le plastique est encore omniprésent, de nouvelles alternatives émergent : compostables, réutilisables, biodégradables. Cependant, la transition est complexe, car elle implique des coûts supplémentaires et des adaptations logistiques. Certaines marques québécoises comme Toundra font figure de pionnières en documentant leurs efforts pour rendre leurs emballages plus durables.
9. L’alimentation fonctionnelle : nutrition ciblée et personnalisée
Les aliments ne sont plus seulement achetés pour leur goût, mais aussi pour leurs effets sur la santé. Que ce soit pour renforcer le système immunitaire, améliorer la concentration ou favoriser la récupération musculaire, l’alimentation fonctionnelle se développe rapidement. Cela va de l’ajout de probiotiques aux aliments enrichis en oméga-3, en passant par les superaliments locaux comme les bleuets ou les graines de lin.
10. La cuisine ethnique locale : un métissage québécois
Le Québec ne se contente plus d’importer des cuisines du monde, il les adapte et les intègre à sa propre identité culinaire. On voit ainsi des chefs et des producteurs québécois revisiter les saveurs d’Asie, d’Afrique ou d’Amérique latine avec des ingrédients locaux. Cette fusion permet de créer des produits uniques, qui respectent les traditions tout en mettant en valeur le terroir québécois.
11. L’agriculture urbaine : cultiver au plus près du consommateur
L’essor des fermes verticales et des potagers urbains témoigne d’un changement profond dans la manière dont nous produisons et consommons nos aliments. De plus en plus de restaurants et de commerces intègrent directement des espaces de culture, permettant de réduire les intermédiaires et d’assurer une fraîcheur optimale.
12. L’expérience culinaire immersive : au-delà du simple repas
Manger n’est plus qu’un acte fonctionnel, c’est devenu une expérience. Les consommateurs recherchent du storytelling, des émotions, du lien avec les producteurs. Certains restaurants proposent des immersions complètes dans l’univers de leurs produits, tandis que des initiatives comme les fermes-auberges ou les ateliers de cuisine permettent aux clients de vivre une véritable aventure gastronomique.
Ce qu'il faut retenir
L’industrie alimentaire québécoise évolue rapidement sous l’influence de nouvelles attentes des consommateurs et des avancées technologiques. L’essor des protéines alternatives, la quête de transparence, l’adoption de pratiques durables et les innovations technologiques redéfinissent la manière dont nous produisons et consommons nos aliments. Pour rester compétitifs, les acteurs du secteur doivent s’adapter à ces tendances et anticiper les évolutions à venir.
Gaëtan est le fondateur de Perrier Jablonski. Créatif, codeur et stratège, il est aussi enseignant à HEC (marque-média), à l'École des Dirigeants et à l'École des Dirigeants des Premières Nations (pitch, argumentation). Certifié par le MIT en Design Thinking et en intelligence artificielle, il étudie l'histoire des sciences, la philosophie, la rhétorique et les processus créatifs. Il est l’auteur de deux essais et de plus de 150 articles sur tous ces sujets. Perrier Jablonski est une firme stratégique unique en son genre : à mi-chemin entre la recherche et la stratégie, nous sommes habitués à résoudre des problèmes complexes en faisant notre propre recherche anthropologique. La co-création, la technologie et l'I.A. sont intégrés à tous nos processus pour livrer les recommandations stratégiques les plus réalistes et les plus ambitieuses. En près de 10 ans, nous avons mené plus de 400 missions, dirigé plus de 2000 entrevues, et formé plus de 16 000 personnes pour près de 180 clients.
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