Huit pièges culturels qui sabotent votre pitch (et comment les éviter)

Huit pièges culturels qui sabotent votre pitch (et comment les éviter)

Gaëtan Namouric
Votre pitch est bon. Vous le savez. Pourtant, il tombe à plat. Face à un client japonais, brésilien, allemand ou français… même contenu, réception différente. Si ce que vous dites ne passe pas, ce n’est pas un problème de fond. C’est un problème de code culturel. Voici huit façons de vous planter — et huit façons de mieux passer.
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Gaëtan Namouric + MidJourney (v7)

Vous êtes au Japon. Vous tendez la main pour saluer, votre interlocuteur vous salue par une courbette. Malaise. Ce choc culturel est attendu à l’étranger. Mais qu’en est-il de votre propre salle de réunion ? Pourquoi une réunion avec des collègues français, canadiens, chinois ou italiens dégénère parfois en incompréhension totale, alors que tout le monde veut pourtant... collaborer ?

Les recherches d’Erin Meyer (INSEAD) ont permis de cartographier les différences culturelles professionnelles sur huit axes clés. Ces axes — explicite/implicite, feedback direct/indirect, leadership hiérarchique/égalitaire, décision top-down/consensus, confiance affective/cognitive, confrontation/conciliation, horaire structuré/flexible, persuasion principes/faits — sont devenus une grille de lecture puissante pour décoder les dynamiques invisibles dans une équipe. Et chez Perrier Jablonski, on en a fait une base de travail pour comprendre ce qui cloche... et ce qui peut se réparer.

Le malentendu, cet invité silencieux

Vous avez déjà pensé : “Mais pourquoi il ne me dit pas ce qu’il pense ?” Peut-être qu’il vous a déjà tout dit. Mais pas à votre manière. Dans certaines cultures (France, Allemagne, Pays-Bas), le feedback est direct, brut parfois. Dans d’autres (Japon, Chine, Mexique), on privilégie l’harmonie au détriment de la vérité crue. Résultat ? Un feedback “doux” est parfois interprété comme une absence de critique.

Et quand le leader ne décide pas? Dans une culture à décision consensuelle (Japon, Suède, Pays-Bas), le processus prime sur la rapidité. À l’inverse, une culture top-down (Russie, Chine, États-Unis dans certains contextes) valorise la rapidité, au risque de passer à côté d’une adhésion sincère.

Ces dissonances s’ajoutent, se superposent et créent des tensions non dites. Chez Perrier Jablonski, on observe que ces tensions émergent surtout dans des projets transversaux, ou dans les équipes hybrides (géographiquement, mais aussi générationnellement).

Une culture n’est pas un cliché, mais une série de préférences

Il ne s’agit pas de dire que les Italiens sont désorganisés ou que les Canadiens sont trop polis. Il s’agit de comprendre que chaque culture professionnelle privilégie certaines approches. Ces préférences ne sont ni bonnes ni mauvaises. Elles deviennent problématiques uniquement quand elles ne sont pas partagées.

Prenons un exemple :

🇨🇦 Canada vs 🇺🇸 États-Unis
Les deux sont anglo-saxons, mais attention : au Canada, la communication est plus nuancée, la confrontation est évitée. Aux États-Unis, le feedback est plus franc, la décision plus rapide, la hiérarchie plus assumée.

🇮🇹 Italie vs 🇫🇷 France
Les deux cultures valorisent l’intellect, mais l’Italie accorde plus d’importance aux relations personnelles et à la flexibilité. La France préfère la rigueur conceptuelle et la confrontation d’idées.

🇯🇵 Japon vs 🇨🇳 Chine
Des voisins très différents : le Japon valorise le consensus et l’harmonie, la Chine est plus directe et hiérarchique. Même la notion de temps y est vécue différemment.

Ces comparaisons ne sont pas des caricatures : ce sont des outils pour anticiper les malentendus, pas pour figer les comportements. Par ailleurs, les axes qui permettent de comprendre en quoi nous sommes si différents...

1. Communication : explicite ou implicite ?

Certaines cultures valorisent une communication explicite — on dit exactement ce qu’on pense, de manière directe. D’autres préfèrent une communication implicite — on suggère, on sous-entend, on lit entre les lignes. Ce n’est pas du flou : c’est une forme de politesse.

🇺🇸 États-Unis vs 🇯🇵 Japon
Aux États-Unis, un pitch efficace est direct, avec un message limpide et un appel à l’action clair. Au Japon, un discours trop explicite peut paraître agressif ou déplacé. Le non-dit fait partie de la grammaire sociale.

→ Face à un public explicite, soyez net, précis, structuré. Face à un public implicite, suggérez, contextualisez, laissez du temps pour l’interprétation. Et surtout, apprenez à lire les silences.

2. Feedback : direct ou diplomatique ?

Dans certaines cultures, le feedback est donné frontalement : critiquer une idée, c’est lui faire honneur. Dans d’autres, la critique est adoucie, contournée, parfois reportée, pour préserver l’harmonie sociale.

🇩🇪 Allemagne vs 🇮🇩 Indonésie
En Allemagne, un pitch peut être interrompu pour une remarque critique : c’est un signe d’intérêt. En Indonésie, on évite la critique directe. Un “intéressant” peut vouloir dire “non, merci”.

→ En contexte direct, invitez les objections. En contexte diplomatique, proposez des temps d’échange individuels après le pitch. Ne cherchez pas le débat en public si la culture le juge agressif.

3. Leadership : hiérarchique ou égalitaire ?

Dans une culture hiérarchique, l’autorité est formelle et visible. Le pouvoir est centralisé. Dans une culture égalitaire, chacun peut intervenir, et la hiérarchie se fait discrète.

🇨🇳 Chine vs 🇩🇰 Danemark
En Chine, il est attendu que vous vous adressiez directement au décideur, avec déférence. Au Danemark, une posture autoritaire peut être perçue comme prétentieuse ou déplacée.

→ En environnement hiérarchique, identifiez le décideur et montrez que vous le respectez. En culture égalitaire, parlez au groupe, valorisez les contributions, et gardez un ton humble.

4. Prise de décision : top-down ou consensuelle ?

Certaines cultures privilégient des décisions rapides, prises par une seule personne. D’autres fonctionnent par consensus, après discussion collective. Le temps de décision est une variable culturelle.

🇫🇷 France vs 🇸🇪 Suède
En France, le décideur écoute, tranche, puis l’équipe suit. En Suède, la décision est collective : si une voix manque, elle bloque tout. Un bon pitch ne suffit pas s’il ne rassemble pas.

→ Dans une culture top-down, soyez tranchant, assumez vos recommandations. En culture consensuelle, posez des questions, impliquez l’auditoire, construisez l’accord au fil du pitch.

5. Confiance : personnelle ou professionnelle ?

Dans certaines cultures, la confiance repose sur la qualité de la relation humaine. Dans d’autres, elle repose sur la compétence démontrée, les résultats et la rigueur.

🇧🇷 Brésil vs 🇬🇧 Royaume-Uni
Au Brésil, on décide avec les gens qu’on aime. Une connexion personnelle est indispensable. Au Royaume-Uni, le professionnalisme, la précision et le respect des délais sont les piliers de la confiance.

→ Au Brésil, commencez par créer un lien personnel, racontez une histoire. Au Royaume-Uni, arrivez préparé, tenez le timing, présentez vos preuves avant vos émotions.

6. Argumentation : confrontation ou harmonie ?

Certaines cultures valorisent le débat, la contradiction, la joute d’idées. D’autres préfèrent préserver l’harmonie, éviter le conflit, même au prix d’un consensus mou.

🇫🇷 France vs 🇹🇭 Thaïlande
En France, contredire, c’est participer. Un pitch peut s’enflammer — c’est bon signe. En Thaïlande, contredire, c’est offenser. Une idée se propose en douceur, jamais frontalement.

→ En France, osez la confrontation, structurez vos arguments, jouez la rhétorique. En Thaïlande, privilégiez la reformulation douce, évitez les phrases trop tranchées, respectez le collectif.

7. Rapport au temps : structuré ou flexible ?

Certaines cultures respectent scrupuleusement les horaires, les durées, les délais. D’autres voient le temps comme une matière vivante, à ajuster selon les circonstances.

🇨🇭 Suisse vs 🇮🇳 Inde
En Suisse, 14h signifie 14h. Un pitch de 15 minutes dure 15 minutes. En Inde, l’horaire est indicatif. Le timing s’ajuste au climat relationnel et au moment opportun.

→ En Suisse, chronométrez tout. En Inde, soyez souple, laissez place à l’improvisation. N’interprétez pas un retard comme un désintérêt. Et ne pressez pas les choses trop vite.

8. Persuasion : fondée sur les idées ou sur les résultats ?

Certaines cultures veulent comprendre l’idée, la vision, la logique théorique. D’autres veulent des faits, des chiffres, des résultats concrets. Le même pitch doit parfois changer d’ordre.

🇫🇷 France vs 🇺🇸 États-Unis
En France, on commence souvent par le concept. Pourquoi ? Pour quoi ? Quelle pensée derrière ? Aux États-Unis, on veut savoir ce que ça rapporte. Quelle preuve, quel gain, quelle efficacité ?

→ En France, commencez par le “pourquoi”. Enchaînez avec la logique. Terminez par les preuves. Aux États-Unis, inversez tout : résultats d’abord, concepts ensuite si besoin.

Alors?

Ces huit dimensions ne sont pas des cases. Ce sont des tendances. Elles n’enferment pas, elles éclairent. Et surtout, elles donnent des leviers. En cartographiant votre culture d’équipe, en partageant vos préférences personnelles, en nommant les différences sans les juger, vous installez une culture de la clarté bienveillante. Ce n’est pas seulement utile. C’est vital.

Ce qu'il faut retenir

Un bon pitch ne dépend pas uniquement de son contenu, mais de sa capacité à franchir les filtres invisibles de la culture. Chaque public, chaque interlocuteur, chaque pays a ses propres attentes en matière de communication, de hiérarchie, de relation, de timing ou d’argumentation. Ce qui convainc en France peut déranger au Japon. Ce qui impressionne aux États-Unis peut faire fuir en Suède. Les huit dimensions identifiées par Erin Meyer — explicite/implicite, feedback, leadership, décision, confiance, confrontation, temps et persuasion — ne sont pas des stéréotypes, mais des outils. En les comprenant, vous ne visez pas à lisser votre discours, mais à l’accorder. Vous ne renoncez pas à votre message, vous l’adaptez pour qu’il porte. Alors, avant de pitcher… cartographiez. Pas les slides. Les gens.

Gaëtan est le fondateur de Perrier Jablonski. Créatif, codeur et stratège, il est aussi enseignant à HEC (marque-média), à l'École des Dirigeants et à l'École des Dirigeants des Premières Nations (pitch, argumentation). Certifié par le MIT en Design Thinking et en intelligence artificielle, il étudie l'histoire des sciences, la philosophie, la rhétorique et les processus créatifs. Il est l’auteur de deux essais et de plus de 150 articles sur tous ces sujets.
Perrier Jablonski est une firme stratégique unique en son genre : à mi-chemin entre la recherche et la stratégie, nous sommes habitués à résoudre des problèmes complexes en faisant notre propre recherche anthropologique. La co-création, la technologie et l'I.A. sont intégrés à tous nos processus pour livrer les recommandations stratégiques les plus réalistes et les plus ambitieuses. En près de 10 ans, nous avons mené plus de 425 missions, dirigé plus de 2100 entrevues, et formé plus de 16 700 personnes pour plus de 180 clients.
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Bibliographie et références de l'article

Erin Meyer, The Culture Map (INSEAD, 2014)

L'I.A. a pu contribuer à cet article. Voyez comment.
  • Nous utilisons parfois des outils de LLM (Large Language Models) tels que Chat GPT, Claude 3, ou encore Sonar, lors de nos recherches.
  • Nous pouvons utiliser les outils de LLM dans la structuration de certains exemples
  • Nous pouvons utiliser l'IA d'Antidote pour la correction ou la reformulation de certaines phrases.
  • ChatGPT est parfois utilisé pour évaluer la qualité d'un article (complexité, crédibilité des sources, structure, style, etc.)
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